Appoline et moi nous connaissons depuis le premier jour. Avant nous, nos parents étaient amis, de très bons amis. Appoline faisait partie de ma famille, nous avions le même niveau social, nous avions des parents pratiquement identique, chacun moyennement sévère, aimant et marrant. Il n’y avait aucune jalousie entre nous. Nous étions tellement proche que parfois, on nous prenait pour un couple. Les couples lesbiens ne choquaient plus personne à notre époque, notre époque était l’époque de tous les excès, de toutes les bêtises. L’avenir des jeunes des années 2180, 2190 était plus qu’incertain. On fumait de tout, on couchait avec tout et tout le monde, on se plantait des couteaux dans le dos, on ne parlait que des autres, jamais de soit, la violence était retentissante. Bien pire que de nos jours, croyez-moi. Les jeunes d’aujourd’hui ne font que copier leurs parents qui, se rappelant de leurs jeunesses, de leurs erreurs, essayent un maximum de les mettre dans le droit chemin. Les jeunes d’aujourd’hui n’innovent rien. Alors que nous, nous jeunes des années 80, 90, avions le goût du risque. Nos parents avant nous sortaient des petites villes et ne connaissaient pas le méfait de la drogue, du sexe et de la méchanceté des adolescents. Nous étions une génération innovante, ayant le goût du risque. Du coup, les parents gobaient toutes les excuses bidons que nous utilisions pour sortir les soirs de vacances, pour justifier nos mauvaises notes, nous n’allions pas dire : « Bah la veille j’étais trop bourrée j’ai pas pu réviser et vu que j’avais la gueule de bois, faut avouer que mon cerveau était aussi actif qu’un troll ! »

-« Chuuut Appoline, ta mère va nous entendre !
- Rien à foutre ! »

Nous étions saoules. Dans le couloir de l’appartement des Meadow, nous avions renversés des manteaux qui étaient rangés derrière la porte, ainsi que tous les trousseaux de clés de la famille. Et nous n’arrêtions pas de pouffer de rire bêtement sans vraiment comprendre ce qui se passait autour de nous. Ce soir là, nous avions eu la permission de sortir, mais le droit à une sortie bien sage entre amis, pas à une grosse fête où nous allions nous bourrer la gueule. Appoline était la plus amoché de nous deux, car elle n’en avait pas « rien à foutre » que sa mère nous entende. Appoline et Madisson, sa mère, étaient très proche, sa fille voulait toujours donner une bonne impression à sa maman, elle a toujours voulut que Madisson soit fière d’elle. Ce soir là, comme je l’avais prédis ses deux parents se levèrent et ils nous virent, tituber et rigoler dans leur long couloir. L’appartement des Meadow est constitué d’un grand escalier qui nous amène au pallier de l’appartement, il y a un long couloir clair, c’est de là que parte toutes les pièces. Et tout au bout, la grande chambre des parents Meadow. Nous ne les avions même pas remarqué, les bras croisés et le regard dépité sur ces deux jeunes filles qu’ils avaient du mal à reconnaître. Immédiatement, Madisson avait appelé mes parents qui avaient rappliqué quelques minutes après. Et c’est ensemble, que pour la première fois de notre vie nous nous fîmes pincer, saoules. C’est seulement à l’âge de 15 ans, que nos parents se rendirent compte que nous rentrions en plein dans l’adolescence et dans ses dangers. Mais sans doute trop naïf, ils crurent à une petite erreur de jeunesse et acceptèrent nos excuses. Mais malgré tout, je savais qu’Appoline était triste, triste du regard que sa mère avait eu sur elle. Elle n’avait rien dit, ce n’est pas dans sa nature de pleurer son sort, elle assumait ce qu’elle avait fait. Mais elle aurait préféré que personne ne le sache, surtout pas sa mère.

A Poudlard, nous étions deux jeunes filles banales. Deux jeunes filles de Gryffondor, à la réputation clean. A l’époque, des filles banales étaient des filles qui fumaient, couchaient et buvaient. De nos jours, c’est sans doute un peu la même chose mais je ne sais pas si la mode F.C.B (fumer. coucher. boire) a la même ampleur. Je prie pour que ce ne soit pas le cas. Notre vie n’était pas saine, notre vie était bien trop mouvementé pour pouvoir suivre correctement nos études et ne croyez pas que je vais vous annoncer que nous étions deux jeunes filles studieuses qui arrivions à concilier fêtes et cours. Pour nous, il n’y avait qu’une vie, celle de la nuit, des amis et du reste. Les cours, c’était une simple option de passage. Et pourtant… Nous ne nous rendions pas compte que nous jouions notre avenir, un avenir qui en fait n’était pas si loin que ça. Et quand les professeurs, seuls témoins de ce qui se passaient dans le château essayait de nous mettre en garde, nous répliquions en cœur que c’était juste le temps de quelques années, que le moment venu, à la sortie de Poudlard, nous saurions (re)devenir sérieux. Nous le jurions, et pourtant très rares ceux qui ont su reprendre une vie saine après sept ans de fête non-stop, il y en a, qui ont tenu leurs paroles. Mais très peu.

In extremis, Appoline et moi-même avions réussi nos A.S.P.I.C.s. Nous sortions de Poudlard et ensemble, nous avions décidé de vivre ensemble dans Londres. Nous faisions partie de ceux qui avaient promis de changer. Mais la tentation était bien trop forte, la vie de dehors nous appelait en hurlant, les gens étaient avenants et nous étions encore jeunes, nous avions la vie devant nous. Mais, ce qui était différent par rapport à faire la fête au sein de Poudlard, était que parfois, on se réveillait, nue dans un appartement glauque, ne sachant ne serait-ce que le prénom de votre compagnon de la nuit. C’était une vie malsaine dans laquelle nous nous étions enlisées, personne ne pouvait nous aider, nous tombions à deux dans ce gouffre.

Je parle toujours de nous deux, mais sachez que parfois, il n’y avait plus de nous deux. Nous avons déjà pensé que c’était la fin de notre amitié, souvent même. Appoline était du genre jalouse et possessive, si tout n’allait pas dans son sens, rien n’allait. Mais, vingt-neuf ans plus tard, nous sommes toujours ensemble, c'est le principal non ? Je pense qu’il n'est donc pas indispensable de parler de nos moments de faiblesses communes, des moments où nous pensions que c’était la fin. Beaucoup dise que les relations se nouent et se dénouent comme des lacets, c’est vrai. Mais ce qu’on oublie de dire, c’est qu’une meilleure amie, c’est pour la vie. C’est un lacet double nœud, triple même.

-« J’me sens bizarre en ce moment… En plus j’ai grossi, ça m’énerve !
- Mais non, tu es toujours aussi belle Po’ ! Puis, tu as peut-être un coup de mou c’est pour ça que tu ne te sens pas bien si ça continue on ira voir un médecin, c’es rien. »

Je ne mentais pas, Appoline est très belle. Elle est le genre de fille que l’on déteste, du genre à voler les petits copains sans vraiment le vouloir, les garçons se retournent sur son passage. Elle a une bouche fine, des yeux bruns, un visage carré qu’elle adoucit grâce à une pointe de maquillage et une belle coiffure. Ses cheveux sont plus ou moins longs et bruns, elle n’est pas très grosse, pouvant certaines fois paraître anorexique bien qu’elle l’ait toujours démenti. A cette époque là, elle avait pris quelques kilos qui n’étaient pas superflus. A dix huit ans, Appoline était une jeune femme qui faisait rager les filles de sont âges, rêver les plus jeunes et était jalousée des plus vielles. Appoline est belle.

-« Merde.
- Que se passe-t-il ?
-Regarde… »

Ma meilleure amie me tendait un petit objet ayant la forme de thermomètre, mais sur l’écran il n’y avait pas marqué un nombre, mais il y avait une petite barre bleue. Elle était enceinte. Appoline avait les larmes aux yeux, elle tremblait en me tendant le test de grossesse. Avant d’éclater en sanglots, elle put juste me demander ce qu’elle pouvait faire. Pendant des jours et des jours je dus la consoler, la rassurant, lui disant que tout allait bien. Au début je lui parlais d’avortement, mais après avoir appris qu’elle était enceinte de quatre mois, cette idée fut abandonnée et il fallait se préparer à l’arrivée d’un bébé, d’un enfant, d’une toute petite chose. C’était tellement abstrait pour nous. Nous avions investit dans un petit lit, dans quelques jouets et dans des bouquins expliquant la vie de jeune maman. Les mois passaient et petit à petit, Appoline reprenait goût à la vie et assumait sa grossesse, elle serait mère célibataire. La seule chose qu’elle redoutait serait le moment où son enfant lui demanderai : « Qui est mon papa ? » Elle voulut mentir, inventer diverses histoires, mais je n’arrêtais de lui répéter qu’il faudrait lui dire la vérité. Elle se contentait d’hausser les épaules et de répéter : « on verra. » Nous nous étions coupées des autres, essayant de créer un cocon parfait pour la fille d’Appoline. Grâce à la technologie moldu, nous avons découvert le sexe du bébé, c’était une petite fille. Elle serait aussi belle qu’Appoline, j’en étais sûre.

-« C’est dommage que je puisse plus sortir. »

Je ne répondais rien et me contentais de lui sourire. Nous avions promis à l’époque de changer de vie, nous ne l’avions pas fait et le destin nous avait forcé la main, pour ce bébé, nous avions dut changer.

-« Mon dieu, qu’elle est belle !
- Où est le papa ?
- Euh il n’y en pas.
- Ah, vous êtes donc un couple…
- Non je suis une amie.
- Ah très bien, signé ici mademoiselle.
- Bon, il faut choisir un prénom à ma fille ! C’est quoi ton deuxième prénom ?
- Lily. Mais pourquoi ne lui donnes-tu pas mon premier prénom ?
- Parce que quand je hurlerai Saaaarahh, personne ne saurât qui doit répondre ! »

Nous nous sommes vite habitué à la notre nouvelle vie. Je dis « notre » car nous vivions ensembles et je ne pouvais pas concevoir de faire ma vie de mon côté et laisser ma meilleure amie, la personne que je considérais comme ma sœur, se débrouiller seule et s’occuper seule de Lily. La journée, pendant que je travaillais, Appoline s’occupait entièrement de sa fille et quand je revenais je prenais quelques heures le relais. Nous avions l’air d’un couple, je ramenais l’argent à la maison, je ne voyais que le bon côté de la maternité car je ne voyais Lily que quelques instants par jour. Je jouais, riait avec elle. Mais je n’avais pas à supporter les pleurs toutes la journée, les biberons, les couches et la maladie. Quand Appoline se remit à sortir une à deux fois par semaine me laissant Lily, je fus indulgente. Elle avait la chance d’avoir quelqu’un sur qui se reposer. Elle pouvait en profiter. Au début, elle rentrait tôt trop inquiète pour laisser sa fille seule, puis les sorties se faisaient plus régulière, plus tard et Appoline revenait de moins en moins sobre après chaque soirée. Ce n’était pas mon rôle de la fliquer telle une mère, j’étais son amie. Mais une amie doit, pour le bien de l’autre, dire ce qui ne va pas. Et là, ça commençait à ne plus aller.

Je l’attendais de plus en plus tard chaque soir, elle revenait le regard flou, les cheveux ébouriffés et un sourire aux lèvres que je n’avais plus vue depuis un peu plus d’un an. Ce qui fut déborder le vase, ce fut le soir où elle ramena un homme à la maison. Notre appartement était devenu un sanctuaire exclusivement féminin, même au début de notre colocation, au temps des déboires, nous dormions chez les hommes mais jamais ils ne venaient chez nous. Les seules espèces du sexe masculin ayant traversé le palier furent des plombiers, le concierge et un médecin.

-« Appoline…
- Hm ? J’ai gavé mal au crâne c’est abusé !
- Ok, cool !
- Qu’est ce que t’as ? T’as l’air de mauvais poil nan ?
- Qu’est ce que j’ai ? Toi, qu’est ce que tu as ?
- Moi, je te l’ai déjà dit, j’ai mal à la tête !
- Tu le fais exprès ? Qu’est ce qui te prend de ramener n’importe qui chez nous ? Pendant que, moi, je m’occupe de ta fille !
- Je croyais que ça te faisait plaisir de t’occuper d’elle ! Excuse moi !
- C’est toujours un plaisir de m’occuper d’elle, mais pour te laisser le temps de te reposer pas de faire la fête et ramener de pauvre type ici. Tu es pire qu’avant !
- J’ai dix neuf ans, il faut bien que je m’amuse désolée de ne pas être une rabat-joie comme toi !
- Tu as dix neuf ans mais tu es avant tout maman … T’es toujours une ado, c’est sûre. J’ai changé pour toi et pour Lily, mais toi t’es incapable de faire ça pour ta propre fille ! »

Sur ce, j’avais déposé un baisé sur le front de Lily et j’avais claqué la porte, laissant ce type, Appoline et Lily seuls.