Se lever aux petites heures du matin était devenu une sorte de rituel pour le septième année depuis quelque temps. Non pas qu'il se sentait particulièrement réveillé, ou qu'il avait envie de se mettre debout très tôt. Seulement, Bartemius prenait souvent le contrôle de son possédé la nuit venue et ne laissait la place à Timothé que le matin venu, vers 5h00. Et bien entendu, le serdaigle s'éveillait en sursaut, incapable de retrouver le sommeil par la suite. Il ne savait pas pourquoi ça lui arrivait si soudainement, mais avait mis ça sur le compte du stress, ou alors de l'inquiétude qui le rongeait petit à petit. Eloïse, Julia, ses ASPIC, Baël, ses trous de mémoire et son manque de sommeil apparent. Ça jouait fortement sur son humeur, et pas besoin de préciser que tous ces problèmes mixés ensemble ne faisaient pas bon ménage, et qu'ils rendaient Timmy très anxieux. Plus susceptible qu'à l'habitude, mieux valait ne pas trop l'énerver, et son agressivité devenait problématique aux yeux de plusieurs, les siens y comprit. Mais ce matin-là, il essaya de reprendre ses esprits très vite et de se dépêcher d'aller prendre sa douche. Il descendrait ensuite avaler son petit-déjeuner et filerait à la bibliothèque réviser un peu l'histoire de la magie. Matière pour laquelle il se débrouillait assez bien, mais qui lui demandait beaucoup plus d'efforts qu'en Sortilèges où son talent était, pouvait-ton dire, inné. Chaque élève avait une matière où il excellait plus que dans les autres, et pour Tim, il s'agissait des Sortilèges. Il aimait tellement ce cours qu'il songeait de plus en plus à devenir professeur à Poudlard et l'enseigner, plus tard. Mais il devait d'abord se rendre en potions. Une matière qu'il appréciait beaucoup également, parce que le professeur qui leur enseignait privilégiait la pratique à la théorie, et savait capter l'attention de ses élèves. Le seul défaut à ce cours était le fait de devoir le partager avec les Serpentards. Techniquement, Timothé n'avait rien contre cette maison, mais par un hasard assez rigolo, la majorité de ses ennemis s'y trouvait. Alors qu'il avait de nombreux amis vert et argent, il n'en avait aucun qui soit de la même année que lui. Ses camarades de classe, il en détestait plusieurs, voire trop. Pourquoi ? Ça restait un mystère inexplicable. Tout d'abord il y avait Baël, qui semblait s'être calmé depuis le bal mais qui apparemment n'avait toujours pas digéré le fameux coup de poing donné par Timothé. Ensuite venait Devan, un mec qu'il n'aimait pas, et qui ne l'aimait pas, mais qui s'ignoraient sans se chercher de problèmes. Puis il y avait Hugo, qui ne l'aimait pas depuis la première année, à cause d'une mauvaise blague qui l'avait pris pour cible. Et finalement, son plus vieil ennemi de Poudlard, Thomas. Un garçon que Timmy avait bousculé cinq minutes après avoir mis les pieds sur la plate-forme 9 3/4. Trop surpris pour s'excuser, il s'en était suivi une dispute entre les deux gamins et depuis, ils ne pouvaient pas se voir en peinture. Il y avait aussi Heaven, bien entendu, mais depuis que cette dernière l'avait totalement oublié, lui et leur histoire d'amour, il faisait son possible pour l'ignorer.

Lorsque vint le temps de se rendre en cours, le jeune Smith retourna à sa salle commune où deux camarades de sa maison l'y attendaient. Comme ses meilleurs amis n'étaient pas de son année, il traînait en cours avec quelques serdaigles que le garçon appréciait, sans plus. Disons qu'ils étaient un peu trop "élèves modèles" pour que Tim les voit en dehors de la classe. Certes, le septième année était un excellent élève, mais il avait aussi une grosse tendance à vouloir fêter et faire des bêtises, souvent accompagné de Maximilien, Léo et Travis. Après tout, pourquoi gâcher sa jeunesse le nez plongé dans les bouquins ? Il y avait tant d'autres choses à vivre... mais la plupart des élèves de son année croyaient que Timothé Norman Smith était un fils à papa comme on en voyait souvent, accro à ses bonnes notes et à ses devoirs. Pour dire un truc pareil, il fallait vraiment le connaître en surface ! Car jamais une personne qui le connaissait bien n'aurait dit ça de lui. Ses camarades l'attendaient patiemment dans la salle commune et ils se rendirent jusqu'à la classe de potions d'un pas rapide, sachant que le début des cours était dans quelques minutes à peine. Ils ne s'éloignèrent même pas les uns des autres une fois entrés, car ils décidèrent de s'installer côte à côte au premier rang. Pourquoi le premier rang ? Tout simplement parce que Timothé était facilement distrait, que ce soit par les cancres assis à l'arrière ou le chant des oiseaux à l'extérieur. Il préférait donc être tout près de Loreana et ainsi éviter de manquer la moitié du cours. Même si tout le monde pensait qu'il s'asseoyait à l'avant pour sembler encore meilleur élève qu'il l'était déjà, ou pour être certain que tous le verraient lever la main et poser ses questions... le serdaigle s'en fichait éperdumment. Il n'en avait rien à faire de l'opinion des autres. Tout ce qu'il souhaitait, c'était obtenir son diplôme. D'ailleurs Thomas, qui était assis à l'arrière comme d'habitude, semblait exaspéré de voir son plus vieil ennemi s'installer à l'avant. Timothé n'eut pour réponse qu'un sourire en coin assez révélateur. Toutes les opportunités de mettre ce serpentard en colère étaient bonnes, et une fois de plus il avait réussi.

« Bonjour professeur Wilde » dit-il en s'asseoyant à son bureau.

Il sortit ses livres et prépara son chaudron d'avance, bien certain qu'ils s'en serviraient. Il était rare que la jeune femme leur donne de la théorie pendant toute la période, si bien que rare étaient les élèves ayant réussi leur cours grâce aux livres. Sa baguette, qui servait rarement en potions, était tout de même installée à ses côtés, prête à servir au cas où. Et qu'il pose des questions n'avait rien de "lèche-botte" comme Thomas prenait tant de plaisir à le dire. S'il posait ces questions, c'était parce que sa curiosité n'avait jamais de limites, qu'il voulait aller au fond des choses. Si quelque chose le tracassait, il allait tout de suite lever la main pour poser sa question au professeur. Et argumenter, il adorait ça aussi. S'il n'était pas en accord avec le professeur, il le faisait vite savoir. Est-ce que c'était si nul que ça ? Combien d'élèves devaient, chaque jour, se poser les mêmes questions que lui sans lever la main ? Timothé se fichait bien de ressembler à un lèche-botte, s'il avait une question en tête il n'allait certainement pas s'empêcher de la poser par crainte de passer pour un intello. Les gens comme Thomas, qui se moquaient des bons élèves, et qui se plaçaient à l'arrière non pas par manque d'intérêt, mais seulement pour avoir l'air "cool"... n'étaient-ils pas idiots ? Mais bon, ça c'était l'opinion de Tim. D'ailleurs, il ne put s'empêcher de se retourner vers ce Morgan et lui faire savoir le fond de sa pensée.

« Qu'est-ce qui se passe Morgan ? Tu veux ma place peut-être ? Ah mais j'oubliais, tu te sens tellement supérieur, assis à l'arrière. »

Il n'avait pas voulu déclencher une dispute, mais dire ce qu'il pensait avait été la première chose qu'il avait faite à leur rencontre six ans plus tôt. Et ça n'avait pas changé avec le temps.

« Le lèche cul, c'est pas moi. On s'demande des fois si tu passe pas sous le bureau pour avoir des notes aussi bonnes alors que t'es aussi intelligent qu'un scrout à pétards. »

« T'es vraiment qu'un... qu'un sale enfoiré Morgan. »

Il avait du garder la fin de phrase pour lui-même et ses voisins, car miss Wilde venait de prendre la parole. Et par expérience, Timothé savait que bien qu'il était un Serdaigle des plus talentueux, ça ne lui donnait pas plus le droit qu'un autre d'enfreindre les règles. Ça, il l'avait compris lorsque la grosse tête s'était emparée du jeune homme et lui avait fait croire que tout lui était permis... et ce jour-là, la directrice des Serdaigles l'avait remis à sa place. Assez pour qu'il redescende sur terre et se rende compte que le monde entier ne lui appartenait pas. Du moins, certainement pas encore. Le septième année marmonna par conséquent son insulte tout bas, juste assez pour que son cousin l'entende et émette un rictus qui en disait long. Bien entendu, Noah était entièrement d'accord avec son frère de coeur, et c'était d'ailleurs tous les deux qu'ils affrontaient Thomas et Hugo sans merci depuis sept longues années. Ils étaient tellement à fond dans leur petite guerre d'adolescents tous les quatre qu'une fois Poudlard loin derrière eux, se faire les pires coups bas leur manquerait probablement. Car oui, il s'agissait avant tout d'une haine assez enfantine... s'ils avaient pris la peine d'effacer le passé et de voir plus loin que le bout de leur nez, l'un comme l'autre se seraient bien entendus et auraient pu devenir de bons amis. Sauf que le destin en avait décidé autrement, et ils étaient loin de s'apprécier. Autant Timothé détestait Baël Owned en silence pour ne pas s'attirer les foudres de sa soeur, autant sa haine envers Morgan était connue de tous, et aimée de tous aussi. Car comment ne pas savourer le spectacle qu'ils offraient chaque fois qu'ils se croisaient dans les couloirs ? C'était quelque chose à ne pas manquer... et même lorsqu'ils avaient onze ans, les deux sorciers ne se donnaient pas la moindre chance. Ils s'affrontaient, que ce soit par un regard, par un geste, par un mot mal placé. Personne n'osait essayer de les réconcilier, et personne n'oserait jamais. Même les professeurs jusqu'à ce jour avaient soigneusement évité de placer les élèves en binôme, c'était quasiment une règle non-écrite qui circulait d'année en année dans la salle des professeurs. Décidant de réprimer son envie de lui foutre son poing sur la gueule, Timothé se concentra sur la professeure et l'écouta attentivement.

« Bien, voici vos travaux sur le Felix Felicis. Mention spéciale pour Mr Smith dont le travail était particulièrement précis et illustré »

Timothé sourit un bref instant, heureux, comme toujours, d'être reconnu pour son travail acharné. Car non, il n'était pas lèche-botte et n'harcelait pas les professeurs afin d'avoir de meilleurs résultats. Il ne leur apportait pas de café le matin, ne passait pas ses soirées dans leur bureau à discuter, et ne couchait avec aucun membre du corps professoral. Il était tout simplement un amoureux des études, et détestait qu'un travail soit remis à moitié terminé. Le Serdaigle avait un horaire bien précis qu'il suivait à la lettre, et puisqu'il considérait ses ASPIC comme hautement prioritaires, les soirs de semaine étaient consacrés d'abord et avant tout à l'école. Il voulait réussir, il DEVAIT réussir, malgré le fait que depuis quelque temps il changeait, et n'était plus le même. Les cours étaient la seule chose qui ne le lâcheraient jamais, et qui lui procureraient autant de plaisir. Ce n'était pas pour rien que le jeune homme était un Piaf... sa soif d'apprendre était sans égale à Poudlard, et il assimilait la matière avec une facilité déconcertante. Pas étonnant que son devoir ait retenu l'attention de mademoiselle Wilde. Sauf que son sourire s'éteint rapidement. Il savait que beaucoup de personnes étaient hypocrites. Au moins, il ne pouvait pas reprocher à Morgan de l'être. Il se fit un plaisir de chuchoter une remarquer désobligeante à son égard, remarque qui fut l'objet d'un bouche à oreille aussi rapide que l'éclair, et qui aboutit aux oreilles de Timothé. Apparemment, beaucoup pensaient comme Thomas, mais contrairement à lui ne l'auraient jamais dit tout haut. Et ça, ça blessait plus que n'importe quelle insulte provenant du Serpentard. Il était habitué à ce que le vert et argent lui balance des imbécilités... mais ce qu'il savait aussi, c'était que les moqueries venaient de partout autour. La jalousie envers une personne qui réussit est toujours hypocrite. Le jeune aigle se renfrogna donc légèrement et s'abstint de remercier la prof. Il ne lui offrit qu'un bref signe de tête et un sourire gêné. Ça au moins, Thomas ne le verrait pas.

« Ah, et une autre mention pour Mr Morgan, dont je n'ai, une fois de plus, reçu aucun devoir… ça vous vaudra, Morgan, une retenue. »

Cette fois-ci, le bleu et bronze ne se gêna pas pour laisser échapper un gloussement. Il jeta un coup d'oeil à son cousin qui affichait un air aussi satisfait que lui. Surtout que deux secondes à peine plus tard, Morgan faisait son petit clown et tentait de faire rire son auditoire en lançant au professeur Wilde des piques franchement inappropriées. Allait-il grandir un jour, ça restait encore à prouver. Le Serpentard avait du potentiel mais était loin de l'appliquer là où il le fallait. Ça, nul besoin d'être un expert en divination pour le savoir. Il se retourna un bref instant vers son ennemi juré, mais n'eut aucun regard ou geste déplacé. Il se contenta de l'observer quelques secondes, soupira, puis reporta ses yeux vers l'avant de la salle. Il avait eu envie de le narguer, mais s'était retenu. Il avait vu à quel point se pavaner pouvait être néfaste, et Timothé ne recommencerait pas. Surtout pas pour quelqu'un qu'il détestait.

« Morgan, vous irez avec Smith. »
« Avec cette tête de noeud ? Impossible. »
« Et je me fiche de savoir que vous n’en avez pas envie. »
« C'est hors de question que je me mette avec un tocard pareil. J'comprend pas, j'ai toujours eu des notes correctes en pratique alors pourquoi me torturez de la sorte. Avec Smith, j'préfèrerais me retrouver avec pendu au plafiond, sans nourriture et à poil plutôt que de me mettre avec lui. »
« Bien, ouvrez vos manuels page 344. Après avoir étudié le Felix Felicis, à vous d’en préparer… »
« Mais ... »

Timothé avait préféré rester silencieux. Et la classe aussi d'ailleurs. Seul Thomas s'y était opposé et menait un combat acharné contre la décision du professeur. Sauf que le Serdaigle savait déjà que ça ne servirait à rien. Autant éviter de perdre sa salive et apprécier le spectacle. Voir le vert et argent partir en live uniquement parce qu'ils feraient équipe, c'était absolument délicieux à observer, et les deux cousins rigolaient d'ailleurs ensemble à l'avant en le regardant agir. Le reste des septièmes années étaient bouche-bée, et à peine quelques secondes plus tard, les conversations fusaient de partout. Alors comme ça c'était le moment ? Celui que tous attendaient depuis belle lurette. L'affrontement des deux ennemis... ennemis avant même de mettre les pieds à Poudlard. Si Thomas voulait jouer à ce jeu-là, le bleu et bronze ne s'avouerait pas vaincu se si tôt. Timothé se retourna une nouvelle fois vers l'imbécile assis au fond, et remarqua bien vite qu'il n'avait pas l'intention de bouger son cul de paresseux de sa chaise. Bien qu'il y reste... le Serdaigle se fichait éperdumment de changer de place. Il avait déjà assez de problèmes ces derniers temps, il n'avait pas envie d'écoper d'une retenue ou d'un zéro à son exercice uniquement à cause d'un crétin de serpent. Il prit son chaudron, déposa tous ses ingrédients à l'intérieur, prit son sac et rejoignit Thomas qui affichait toujours une mine contrariée. Lui l'était tout autant d'ailleurs, mais savait se retenir. Comme je l'ai dit plus tôt, le garçon n'était pas Serdaigle pour rien. Il redisposa son matériel en face de lui, et jeta un coup d'oeil au Serpentard.

« Arrête de pleurnicher Morgan, si tu veux qu'on termine un jour. Et si tu penses que je vais faire le travail tout seul, car c'est ce que tu penses, ramasse tout de suite tes trucs et débarrasse le plancher. Je ne suis pas généreux au point de t'offrir une bonne note sur un plateau d'argent. Alors ouvre ton livre tu veux? »

Il avait parlé sèchement mais au moins c'était clair à présent. Timothé n'était pas idiot, et bien qu'ils ne s'aiment pas, depuis le temps ils se connaissent un minimum. Et le Serdaigle était certain que Thomas s'attendait à rester sagement assis à ne rien foutre tandis que lui ferait tout le travail. S'il pensait ça, il se mettait le doigt dans l'oeil. Et un fichu de gros doigt d'ailleurs. Le sorcier sortit son manuel et l'ouvrit à la page indiquée. La potion était des plus complexes, beaucoup plus que ce dont il avait l'habitude. Il réussirait probablement s'il prenait bien son temps pour tout lire et tout assimiler comme il faut, mais avec un partenaire aussi dégénéré, ça risquait vite de compliquer les choses.

« C'est vachement compliqué comme potion. Tes neurones vont survivre j'espère? »